Laure DIEBOLD-MUTSCHLER (1915-1965)

  • Laure Diebold, décédée le 17 octobre 1965, est une résistante française. Secrétaire de Jean Moulin, elle fut faite compagnon de la Libération alors qu’elle était portée disparue en Allemagne.

    Laure Diebold, née Laurentine Mutschler le 10 janvier 1915 à Erstein (Bas-Rhin) au sein d’une famille alsacienne ; son père est ébéniste et sa mère restauratrice. Elle naît allemande, l’Alsace étant alors occupée par le Reich mais sa famille est restée très patriote à l’égard de la France. Tous s’installent en 1920 à Sainte-Marie-aux-Mines. Laure obtient un diplôme de sténo-dactylo et se fiance dans les années 1930 avec Eugène Diebold, secrétaire de la mairie de la commune. Elle est catholique, il est protestant. À la fin de ses études, elle entre comme secrétaire sténo-dactylographe bilingue français-allemand aux Établissements Baumgartner à Sainte-Marie-aux-Mines où elle réside depuis 1920. Lors de la « drôle de guerre » (septembre 1939 – mai 1940), elle est secrétaire d’un industriel de Saint-Dié (Vosges).

    Après l’invasion allemande, fin juillet 1940, elle reste en Alsace annexée. Elle rejoint une filière de passeurs vers la « Zone libre ». Très souvent, elle héberge des prisonniers de guerre évadés au domicile paternel, 46 rue Jean-Jaurès à Sainte-Marie-aux-Mines, ainsi que chez son fiancé. Dès 1940, elle s’associe au cercle de résistants du docteur Bareiss, rattaché à l’Armée des Volontaires. Repérée, elle doit quitter l’Alsace. La veille de Noël 1941, elle fuit à Lyon, dans la zone libre, cachée dans une locomotive. Elle y retrouve son fiancé, Eugène Diebold, prisonnier évadé, qui la fait embaucher comme secrétaire au service des réfugiés d’Alsace-Lorraine.

    Jeune mariée, elle entre à partir de mai 1942 au réseau de renseignements « Mithridate », où, en qualité d’agent de liaison et d’évasion, catégorie P1, elle recueille des informations qu’elle code et fait passer sous forme de courrier à Londres

 

Laure Diebold est arrêtée une première fois le 18 juillet 1942 par la police judiciaire deux jours avant son mari ; n’ayant rien dit, ils sont relâchés le 24 juillet faute de preuves. Elle se réfugie à Aix-les-Bains, passe dans la clandestinité la plus totale et devient « Mona ».

A la mi-août 1942, elle rencontre Daniel Cordier, secrétaire de Jean Moulin, par l’intermédiaire de Madame Moret qui travaille comme elle au service des réfugiés d’Alsace-Lorraine. Engagée aux Forces françaises libres, immatriculée au Bureau central de renseignements et d’action (BCRA) sous le nom de « Mado » (agent n° 9382), elle est affectée aux services de Jean Moulin, représentant du général de Gaulle et délégué du Comité national français, en qualité d’agent P.2 avec le grade de lieutenant.

Le 8 décembre 1942, elle rencontre Jean Moulin, alias Rex, pour la seule et unique fois, tapant pour lui à la machine un rapport urgent. Le secrétariat compte bientôt une quinzaine de personnes, dont Laure Diebold est « la pierre angulaire ».

Fin mars 1943, avec Daniel Cordier, Hugues Limonti, Georges Archimbaud, Francis Rapp, Jean-Louis Théobald et Suzanne Olivier, elle se rend à Paris afin de préparer l’implantation de la délégation en zone occupée. Travaillant dans des bureaux situés rue Vavin puis rue de la Pompe, elle réside alors à Fontenay-aux-Roses chez son frère aîné René Mutschler, qui habitait 15 rue de Bagneux (actuelle rue Max Dormoy), afin de poursuivre ses missions de codage et de décodage de courriers. Elle tape notamment l’annonce de la première réunion du Conseil national de la Résistance. À la suite de l’arrestation de Jean Moulin, elle poursuit son travail de secrétariat à la délégation, travaillant aux côtés de Claude Bouchinet-Serreules, puis de Georges Bidault Après la guerre, ses services seront validés par les Forces françaises libres, en qualité d’agent « P 2 », assimilé au grade de lieutenant.

À la suite de la perquisition des Allemands au siège de la Délégation générale à Paris, représentée par Claude Bouchinet-Serreulles et Jacques Bingen, et au démantèlement de nombreux réseaux parisiens consécutifs à « l’affaire de la rue de la Pompe », avec l’arrestation de Pierre puis celle de Jacqueline Pery d’Alincourt, Laure Diebold est arrêtée le 24 septembre 1943, en compagnie de son mari, et détenue à la prison de Fresnes. Elle réussit à convaincre la Gestapo qu’elle n’a fait que servir de boîte aux lettres et échappe ainsi à la torture, au contraire de son mari, qui pourtant ne sait rien. Le 17 janvier 1944, elle est déportée à la prison de Sarrebruck. Du 28 janvier au 13 juin 1944, elle est en prison à Strasbourg, puis au camp de sûreté de Vorbruck-Schirmeck. Elle est ensuite transférée à la prison de Gaggenau, revient au camp de Schirmeck, est envoyée à la prison de Mulhouse, puis dans une prison berlinoise. Déportée à Ravensbrück, elle est ensuite transférée près d’Altenbourg, au Kommando de Meuselwitz, satellite de Buchenwald, puis, le 6 octobre 1944, au Kommando de Leipzig-Taucha, autre satellite de Buchenwald. Eugène, Hugues Limonti et Suzanne Olivier sont eux aussi déportés. Le 20 novembre, elle est faite compagnon de la Libération sur proposition du colonel Passy ; elle est l’une des six femmes à obtenir cette distinction. Gravement malade (typhus, angine diphtérique), mourante, elle échappe à la mort grâce à l’intervention d’un médecin tchèque du laboratoire du camp. Il escamote sa fiche à deux reprises et lui évite l’envoi au crématoire.

Libérée en avril 1945 par les Américains, très affaiblie, elle arrive à Paris le 16 mai 1945 et, conduite à l’Hôtel « Lutetia », elle a le bonheur d’y retrouver son mari, également de retour de déportation et lui aussi mal en point. Elle vit alors dans le dénuement, habitant une dépendance de la maison de son frère René.

Le 18 juillet 1946, le général Paul Legentilhomme la décore de la croix de la Libération dans la cour des Invalides.

Après-guerre, Laure Diebold est d’abord employée à la Direction générale des études et recherches (DGER), successeur du BCRA. Elle aurait aussi travaillé pour le secrétariat de la présidence du Conseil, bien qu’aucune archive ne le confirme. En 1947, elle accompagne à Moscou son ancien chef devenu ministre des Affaires étrangères, Georges Bidault, pour assister à une conférence sur la paix. En 1950, elle part à Étueffont-Bas (Territoire de Belfort), où elle travaille avec son mari dans une usine de tissage. En 1957, elle entre comme secrétaire dans une entreprise lyonnaise, Rhodiacéta, où elle devient secrétaire et bibliothécaire. En 1964, à l’occasion de la translation au Panthéon des cendres de Jean Moulin, elle retrouve durant une nuit précédant l’évènement, sur la place déserte et glaciale entourant l’édifice, une partie de son ancienne équipe (Daniel Cordier, Hugues Limonti et Suzanne Olivier), dont les membres s’étaient éloignés après la guerre.

Décédée à Lyon le 17 octobre 1965, à 50 ans, conséquence des mauvais traitements qu’elle a subis en déportation. Déclarée « Mort pour la France », elle est enterrée selon son désir dans le modeste cimetière de Sainte-Marie-aux-Mines le 21 octobre, où elle avait passé son enfance et connu son mari. Elle avait exigé une cérémonie simple. Sur sa tombe est indiqué « mort pour la France », du fait des souffrances physiques endurées par la déportation, ainsi qu’une mention de son statut de compagnon de la Libération. Un hommage militaire lui est rendu en la cathédrale Saint-Jean de Lyon. Son mari, décédé en 1977, est enterré avec elle, dans le carré protestant.

 

Discrète, ce qui lui fut utile durant la guerre, elle laisse peu de traces. Oubliée durant des décennies en dehors de l’Alsace, n’apparaissant qu’en marge de certains ouvrages consacrés à Jean Moulin, elle « renaît » sous la plume d’Anne-Marie Wimmer qui, après des recherches dans les archives, publie en 2011 le livre « Code : Mado : Mais qui donc est Laure Diebold-Mutschler ? ». Chef du service archives et patrimoine du val d’Argent, David Bouvier estime que cette amnésie est due d’une part au fait qu’il s’agissait d’une femme, le rôle des femmes dans la Résistance ayant été minimisé, d’autre part au fait qu’elle était Alsacienne, le souvenir des « malgré-nous » ayant terni l’image de la région. Pour sa part, Anne-Marie Wimmer considère que Daniel Cordier n’a pas suffisamment mentionné son rôle dans ses mémoires, qui font autorité sur l’histoire de la Résistance ; les archives révèlent toutefois que ce dernier s’est longtemps préoccupé du sort de Laure Diebold après la guerre, la faisant par exemple embaucher à la DGER. Ne faisant partie d’aucun mouvement politique, elle s’est enfin trouvée exclue des commémorations partisanes, chaque camp promouvant ses propres martyrs ; sa modestie a également nui à ce qu’elle reçoive plus d’hommages.

Laure Diebold est titulaire de plusieurs décorations :

  • Compagnon de la Libération (1944)
  • Chevalier de la Légion d’Honneur (1957)
  • Croix de Guerre (1939-1945)
  • Médaille commémorative des services volontaires de la France Libre

Un timbre postal à son effigie d’une valeur faciale de 0,68 € paraît le 19 octobre 2015.

Sources :

Le Comité du Souvenir Français Fontenay-aux-Roses

10 Place du Château Sainte-Barbe 92260 Fontenay-aux-Roses

+33 664362856

contact@le-souvenir-francais-fontenay-aux-roses.fr

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